Youzovka est probablement le seul groupe du Centre-ouest de la France à utiliser des instruments traditionnels russes et ukrainiens. En plus de l'accordéon chromatique, de la guitare classique et des percussions, Youzovka veut faire apprécier ces instruments populaires souvent mal connus du public français. Contrairement aux idées reçues trop souvent répandues, la maîtrise de ces instruments traditionnels est tout aussi difficile que celle des instruments dits « classiques » et nécessite de longues années de formation (à Moscou, le cursus d'un balalaïkiste professionnel diplômé dure dix ans). Youzovka présente donc ces instruments typiques.
C'est l'instrument populaire russe par excellence. Ces origines remontent probablement au Moyen-Âge, lorsque les Tatars occupaient la Russie. Ils utilisaient alors une sorte de luth à caisse ronde appelé domra, que les Russes ont vite adopté. Mais l'usage de cet instrument de l'envahisseur n'était guère du goût des autorités civiles et religieuses, d'autant plus qu'il était souvent utilisé pour accompagner des chansons satiriques se moquant des puissants. Il fut donc recherché et détruit. Probablement au XVIIe siècle, pour contourner l'interdiction, les Russes le transformèrent en coupant la caisse de résonance en deux, de façon à obtenir un demi-cercle. L'instrument était alors appelé « triokhstrounnaïa domra », c'est-à-dire domra à trois cordes, lesquelles étaient pincées à l'aide d'un plectre en corne. Au siècle suivant, un musicien inconnu eut l'idée de donner à la caisse de l'instrument une forme triangulaire. Lorsqu'il commença à jouer avec un plectre, le son était sec et désagréable. Il décida donc d'attaquer les cordes avec les doigts, ce qui donna un son beaucoup plus doux, rappelant des voix de femmes en train de discuter (d'où le nom de balalaïka, qui vient du verbe « balakat' » signifiant « jacasser »). Le nouvel instrument se répandit rapidement dans tout le pays.
Au départ, la balalaïka restait confinée au monde rural et était boudée par l'aristocratie qui la surnommait « instroument tcherni », « l'instrument de la populace ». Il est vrai qu'elle était à l'époque assez rudimentaire : cordes en boyau au nombre variable, tailles non normalisées, absence de frettes. Dostoïevski avait cependant déjà remarqué et apprécié le son de la balalaïka lors de son séjour au bagne (voir les souvenirs de la maison des morts, 1862). La modernisation de la balalaïka est l'oeuvre de Vassili Andreïev (1861-1918). Issu de la noblesse, il ne la découvrit qu'à 26 ans et en tomba véritablement amoureux. Andreïev normalisa les différentes tailles, le nombre de cordes, le système d'accordement et de frettes. Il créa également un orchestre jouant en frac qui se produisit à la cour du tsar et fit des tournées à l'étranger, notamment à Paris où Jules Massenet fut transporté par le son de l'instrument. D'autres orchestres virent le jour dans toute la Russie et dans l'émigration après 1917. Un enseignement fut créé, des pièces composées et la balalaïka est ainsi devenue un instrument de conservatoire tout en restant organiquement attachée à l'âme du peuple russe.
Reconnaissable à sa forme triangulaire caractéristique, la balalaïka est montée de trois cordes et existe en sept tailles différentes. Youzovka utilise les balalaïkas prima (soprano), alto et contrebasse.
C'est l'instrument national ukrainien. Au XVIe siècle en Ukraine, les cosaques partant au combat et les musiciens itinérants s'accompagnaient d'une sorte de luth, la kobza. Celle-ci subit une transformation importante au XVIIIe siècle : au côté des cordes principales, on en ajouta sur la table d'harmonie, ce qui transforma l'instrument en une sorte de cithare, les cordes situées sur le manche servant uniquement à jouer les basses. Ainsi naquit la bandoura, qui devint très vite la compagne incontournable des kobzary, ces poètes et chanteurs itinérants souvent aveugles qui parcouraient l'Ukraine en chantant l'amour et les exploits guerriers des cosaques. Mais l'instrument restait rudimentaire : d'une étendue d'à peine deux octaves, diatonique et avec seulement trois cordes de basses. C'est au XXe siècle que le grand bandouriste ukrainien Hnat Khotkevytch (1877-1938) donna à l'instrument sa forme actuelle. Il augmenta et normalisa le nombre de cordes (54 en tout), permettant ainsi d'effectuer des mélodies chromatiques et excentra le manche pour faciliter le jeu.
La bandoura est liée à l'histoire tragique du peuple ukrainien. Lors du « Holodomor » (la grande famine d'Ukraine organisée par Staline en 1932-1933), les bandouristes itinérants, soupçonnés de véhiculer des idées nationalistes, furent impitoyablement envoyés au Goulag et liquidés. Ce fut le cas de Hnat Khotkevytch lui-même, qui fut fusillé en 1938. L'instrument survécut cependant dans la diaspora, en particulier au Canada. Après la Seconde Guerre mondiale, des orchestres se reconstituèrent en Ukraine soviétique et les femmes commencèrent à adopter cet instrument autrefois exclusivement masculin. Depuis l'indépendance de l'Ukraine en 1991, l'enseignement de la bandoura est devenu de plus en plus populaire.
La structure de la bandoura varie selon les régions : le type de Kyïv (la capitale), de Lviv (ouest), de Kharkiv (est) et de Tchernihiv (nord). C'est ce dernier modèle qu'utilise Youzovka, et qui est d'ailleurs le plus répandu dans la diaspora ukrainienne. Le système de base reste le même pour toutes les bandouras, avec toutefois des différences dans les modes d'accordement. L'étendue de la bandoura dépasse les quatre octaves.
Cet instrument à cordes frappées, surnommé aussi « piano tzigane », est très connu pour être incontournable dans les orchestres tziganes, hongrois et roumains et se rencontre dans de nombreux pays d'Europe orientale. En revanche, peu d'Occidentaux savent qu'il est également très populaire en Ukraine, en particulier dans l'Ouest, où les Houtsouls, Ukrainiens des Carpates, en ont fait leur instrument de prédilection. Cependant, le cymbalum reste également utilisé dans les orchestres du centre (à Kyïv notamment) et de l'Est de l'Ukraine (une classe de cymbalum existe au conservatoire de Kharkiv). En ukrainien, il se nomme « tsimbaly ».
L'origine du cymbalum se perd dans la nuit des temps, mais tout les spécialistes s'accordent sur ses origines asiatiques. Il est probablement arrivé en Europe à la fin du Moyen-Âge. En Ukraine, on a des représentations de cymbalums dans les orchestres cosaques aux XVIIe et XVIIIe siècles. Jusqu'au XIXe siècle, les tailles et le nombre de cordes n'étaient pas normalisées, ainsi que le système d'accordage. La création du cymbalum moderne de concert est l'oeuvre d'un Hongrois, Joseph Schunda, qui lui a donné sa structure actuelle. Au XXe siècle, les Ukrainiens l'ont adopté et conservé sous cette forme, ce qui fait qu'il n'y a aujourd'hui pratiquement plus de différences entre les cymbalums hongrois, roumains, slovaques ou ukrainiens.
En Ukraine, trois tailles de cymbalums prédominent. Le plus petit (mali tsimbaly), très utilisé dans les orchestres des Carpates, peut être porté en bandoulière sur les épaules ou sur les genoux. Le moyen (seredni tsimbaly) et le grand (veliki tsimbaly) sont joués en position assise, fixés sur trois ou quatre pieds et équipés d'une pédale actionnant des étouffoirs qui permettent de contrôler la résonance, à l'instar du piano. En revanche, le système d'accordage reste le même pour toutes les tailles ; seul change le nombre de cordes et donc l'étendue. La forme de base est toujours la même : une caisse plate trapézoïdale montée de cordes tendues sur des chevalets et frappées à l'aide de deux baguettes tenues dans chaque main. Le système d'accordage est extrêmement complexe et nécessite un long apprentissage. Le grand cymbalum de concert (veliki tsimbaly) possède 128 cordes et son étendue dépasse les quatre octaves. C'est ce modèle qu'utilise Youzovka.